Chez Sourire : au vrai barbecue de Louisiane
J’ai écrasé les freins.
Babylone avait failli me faire dépasser le cimetière. Je me suis garé et j’ai éteint mes phares. Je n’ai pas vu d’autre voiture. Si quelqu’un devait venir, j’étais arrivé le premier. Je ne savais même pas si le cou et sa patronne buveuse de bière allaient venir, mais j’avais dans l’idée que oui. C’était pour ça que j’étais là. Je n’avais qu’à attendre voir ce qui allait se passer. Ce n’est pas tous les jours qu’on a l’occasion de ramasser dix mille dollars.
Tout à coup, quelque chose m’a intrigué.
J’ai fouillé dans ma poche et j’en ai sorti une allumette.
Je l’ai grattée et j’ai lu le certificat d’immatriculation qui était sur le volant. « Chez Sourire, Au Vrai Barbecue de Louisiane. »
Evidemment.
Il faudrait que j’aille faire un tour chez Sourire un de ces jours pour goûter son barbecue. Ça vaudrait vraiment le coup de voir la tête qu’il ferait en me voyant entrer.
J’ai soufflé l’allumette et j’ai attendu quelques instants dans le noir.
J’ai commencé à penser à Babylone, mais je me suis bagarré pour penser à autre chose en faisant bien attention de ne pas me laisser impressionner par la profondeur de l’obscurité. Parce que ça, ça me remmènerait facilement à Babylone. Si je me mettais à penser à l’obscurité, j’allais bientôt me retrouver en train de penser aux ombres-robots, et ça n’irait plus du tout.
Je ne tenais pas à ce que Babylone me réexpédie au diable. J’avais eu de la chance de voir le cimetière : j’aurais aussi bien pu me retrouver à mi-chemin de Los Angeles et au chapitre sept de Smith Smith contre les Ombres-Robots. Et alors là, j’aurais perdu toutes mes chances de trouver ma cliente et de toucher dix mille dollars. Tout ce qui me serait resté, c’aurait été une putain morte dans mon réfrigérateur.
Et ce n’aurait pas été exactement ce qu’il est convenu d’appeler un coup réussi.